Emmanuel Didier, Dr. en science politique
Chargé de recherche en science politique
Centre national de la recherche scientifique, Paris
Né en 1970 à Paris
Études de statistique à l'École Nationale de la Statistique et de l'Administration Économique, de sciences sociales à l'École Normale Supérieure, et de socio-économie de l'innovation à l'École Nationale Supérieure des Mines de Paris
Focus
QuantificationProject
Les quantités de l'Etat néo-libéral
Des statistiques d'un nouveau genre semblent actuellement omniprésentes dans les administrations publiques. On peut les regrouper sous le nom général de Benchmarking (Bruno et Didier 2013). Elles ne servent pas à mesurer, comme par le passé, des objets extérieurs à l'Etat (les questions sociales, la conjoncture économique), mais l'activité de ses agents. Elles visent à les motiver, à les inciter à s'investir davantage dans leur travail en leur fixant des objectifs quantifiés ou en y instillant une certaine dose de compétition, et par conséquent elles portent aussi la thématique de l'évaluation. L'Etat n'est plus un phare dont le rayon statistique éclairait les objets lointains, il est devenu un ver luisant, produisant une phosphorescence quantitative blafarde sur lui-même.Est-il bon, est-il méchant (pour reprendre un titre qu'Alain Desrosières (2012) a lui-même repris de Diderot) ? En tout cas, la question que posent tous les acteurs concernés par le Benchmarking ne porte pas seulement sur les transformations de ce qu'est une administration, mais remonte jusqu'à la source de son autorité, jusqu'à l'Etat lui-même ainsi qu'à ses rapports avec le capitalisme. Cette épreuve est très communément appelée « néolibérale » par les acteurs, qui se réclament ainsi de Foucault (2004) lorsque ce dernier analysait ce qu'il appelait les technologies de sécurité et leur dissémination dans le corps social. Il parlait alors de gouvernement néolibéral et de gouvernementalité, mais assez peu spécifiquement de l'Etat, précisément parce qu'il montrait que ces technologies exercent un pouvoir qui ne lui est pas essentiellement attaché. Nous prolongerons le programme visant à montrer que les statistiques transforment la réalité qu'elles décrivent (Espeland 2007), mais en nous attachant aux transformations opérées sur l'Etat lui-même. On cherchera donc à circonscrire ce que l'on peut appeler un Etat néolibéral, ses rapports avec un certain type de statistiques et une certaine façon de concevoir la société (Desrosières 2008).
Lectures recommandées
Didier, Emmanuel. Benchmarking. L'Etat sous pression statistique. Avec Isabelle Bruno. Paris : La Découverte, coll. Zones, 2013.
-. En quoi consiste l'Amérique - Les statistiques, le New Deal et la démocratie. Paris : La Découverte, 2009.
Colloquium, 15.04.2014
Public Security as Performance
Since the 1990s, policing and security have deeply changed in many Western countries. It is not about the fight against terrorism but about public security, day-to-day policing. If I might refer to a TV series, I would say the 1970s was the decade of "Starsky and Hutch", where crucial features were that trademark car and violent arrest, whereas with the 1990s we entered a period epitomized by "The Wire" in which it is numbers, quantified objectives, and stop-and-frisk that have come to the fore.
In my talk I want to make apparent some crucial characteristics and inner contradictions of today’s policing system.
First, the importance assumed by numbers. During the 1990s the New York Police Department invented a new organizational tool called Compstat in which numbers became a driving force. The new importance of numbers comes from the fact that, at every hierarchical level, they are used both to describe a certain amount of crime and police activity and are employed as incentives in order to enhance the performance of law-enforcement officers. I want to show how these numbers helped to reshape policing in a neo-liberal way.
Second, I will show that the new policing method invented in New York has merged with a globalizing current. Many developed countries imported and adapted the techniques. Using the case of France in the present century, I will show how the technique spread and how it changed shape from one location to the other.
Finally, I will insist on the fact that Compstat’s transformation of the police also helped to transform the social order of those countries which imported the system, reshaping the categories that made inroads into public spaces. And I will show how the new social order generated a great deal of social criticism that also used numbers to strengthen their arguments against neo-liberalism. Numbers do not always side with public authorities. It is often an eye for an eye, and a number for a number.
Publications from the Fellows' Library
Didier, Emmanuel (Cham, 2022)
Free from numbers? : The politics of qualitative sociology in the U.S. since 1945
Didier, Emmanuel (Paris, 2015)
Mesurer la délinquance en France depuis 1970 : entre expertise et publicité
Didier, Emmanuel (Salento, 2014)
Statactivism : forms of action between disclosure and affirmation
Didier, Emmanuel (Paris, 2014)
Statactivisme : comment lutter avec des nombres
Didier, Emmanuel (Paris, 2014)
Prouver et gouverner : une analyse politique des statistiques publies
Didier, Emmanuel (Paris, 2013)
Benchmarking : l'Etat sous pression statistique Zones
Didier, Emmanuel (2011)
L'État néolibéral ment-il? : «Chanstique» et statistiques de police
Didier, Emmanuel (2009)
La solidité des institutions : les statistiques de "Victimation" de l'Insee (1996-2006)
Didier, Emmanuel (Paris, 2009)
En quoi consiste l'Amérique? : les statistiques, le new deal et la démocratie Textes à l'appui